16h03, hier après-midi. Une dernière fois, avant les plaidoiries et réquisitions attendues aujourd'hui, la cour d'assises d'appel d'Ille-et-Vilaine donne l'occasion à Alain Kernoa de lever le voile sur le scénario de son crime. Petit (1,60m), râblé, les sourcils fournis et la voix toujours aussi dénuée d'émotion, l'ancien marin militaire embarqué sur la Jeanne d'Arc entame un long monologue. Déconcertant, manipulateur, logorrhéique, l'accusé se défile pendant trente minutes, comme il s'est défilé devant les psychologues et psychiatres qui le jugent susceptible de récidiver.
La cour l'écoute souffle coupé
Un monstre sans affect? En tout cas, capable de rapprocher son geste avec la perte considérable que peut constituer la disparition d'une console de jeux. Au mieux, a-t-il confié à l'un des experts cités à la barre, le massacre de la jeune fille de Langoat, lardée de 28 coups de couteau en marge du teknival de Carnoët(43.000participants), peut-il être classé dans la catégorie des accidents de voiture mortels. Incarcéré depuis près de quatre ans, l'accusé au profil très narcissique, teinté d'accents pervers, ne semble pas avoir encore pris la juste mesure de son geste. Et, devant la cour qui l'écoute, souffle coupé, il s'échine à esquiver les attentes d'une famille au supplice.
Pas d'explications
Définitivement non, il n'expliquera pas à la salle bondée les derniers instants de Mathilde. Pas de pourquoi, si ce n'est le constat d'un irrépressible besoin de sexe, avec ou sans consentement. Ni de comment, si ce n'est un cran d'arrêt, compté parmi les scellés. Marie-Jeanne Bolloré, mère «détruite» de la victime, devra se contenter d'une dernière image, atroce: sa fille «méconnaissable» qu'elle n'a pu embrasser après l'autopsie. Me Hubert Soland, avocat de la partie civile, brandit l'ultime «délicatesse» de Kernoa: les courriers adressés, depuis sa cellule, à la maman drapée dans son impossible deuil. L'accusé écrit qu'il veut faire connaissance. Et en savoir plus sur Iby, 14ans, petite soeur de Mathilde. Il le jure: il n'est pas le prédateur que l'on peut imaginer. Et il veut le montrer au parloir.
Deux victimes : Mathilde et son père
Pour son avocat, Me Dupond-Moretti, qui enfile la robe de procureur, «on ne peut pas demander à un type qui a égorgé une gamine de 18 ans de se présenter comme un être délicat. Ce serait suspect». Et si, juge-t-il - sans avoir besoin de le dire - Kernoa ne mérite pas la perpétuité, «il ne faut pas qu'on s'attende à ce qu'il devienne un type bien devant la cour d'assises». Pour Me Giommoni, avocat de la partie civile, le Marseillais n'a pas fait une victime mais deux. Thierry, père de la jeune fille, serait mort de chagrin. Ce chagrin qui fait dire à Jeanne, la grand-mère, que «quand je vais au cimetière, je ne vais pas au parloir. Il n'y a personne qui me parle». Avec ses mots sans âme, Kernoa dit comprendre la réponse du berger à la bergère. Et espérer «mériter un jour le pardon».
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